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1671, Louis XIV était donc attendu. Il fallait qu'il s'assure
que toutes les rumeurs malintentionnées qui avaient circulé sur le compte
de Rochefort étaient non fondées et qu'il « soit satisfait de la dépense
qui y a été faite jusqu'à présent. » Aussi, Colbert multiplia-t-il les
ordres pour que l'arsenal et les bâtiments apparaissent propres, rangés
; les hommes disciplinés, exercés, et que tout cela se fasse avec un souci
permanent d'économie pour rassurer le monarque. Celui-ci devait visiter
la corderie ; voir comment on file le chanvre, on imprègne les fils de
goudron.
Il devait aussi inspecter les ateliers de construction, le magasin général,
la salle d'armes, la halle des tonneliers, les magasins particuliers,
la fosse aux mâts, le vaisseau L'Anna, transformé en ponton pour servir
de machine à mâter. L'intention de Louis XIV était aussi d'assister à
la construction d'un vaisseau durant son séjour ce qui était parfaitement
irréalisable, mais Colbert lui avait proposé de participer à son armement
: « Il faut disposer toute chose dans le magasin particulier de l'un des
plus grands vaisseaux », ordonnait-il à Terron, avant d'ajouter qu'il
fallait montrer au roi un bâtiment « un matin, tout nu, et le mettre en
une journée de temps en état d'être mis à la voile. »
Au sujet de la fonderie, Colbert précisait encore : « (Il faut) faire
fabriquer une grosse ancre (et faire) en sorte qu'il n'y ait que le nombre
de forgerons nécessaires pour remuer les machines et pour battre. » Toujours
ce souci d'économie. Colbert vient à Rochefort Pour que tout soit parfaitement
en règle, Colbert décida de venir tout contrôler sur place. Il l'annonça
le 20 mars en précisant qu'il était hostile à toutes mondanités superflues
: « Faites savoir où vous l'estimerez à propos que je ne veux point recevoir
de visites à Rochefort ; et faites en sorte que je puisse avoir libre
tout le temps que j'y serai pour parler de notre marine », précisait-il
à Terron. Il arriva dans les premiers jours d'avril et constata amèrement
plusieurs disfonctionnements.
D'abord, il pensait que les magasins particuliers seraient achevés, or
tous, ou presque tous, étaient encore en chantier. Ensuite, la machine
à mâter n'était pas prête. Enfin, les bâtiments étaient sales, mal rangés
« tant dehors que dedans. » Il gourmanda Gabaret, le chef d'escadre et
écrivit à Duquesne, lieutenant général des armées navales, qui était à
Brest et qui devait, à bord du Soleil-Royal et trois autres vaisseaux,
descendre à Rochefort pour la venue du roi, de manière à anticiper toute
nouvelle déconvenue : « Comme Sa Majesté les visitera (les vaisseaux)
depuis le fond de cale jusque sur les hauts, il est bien important qu'Elle
les trouve extraordinairement propres, que tout y soit bien rangé et en
bon état et que vous recommandiez aux officiers que leurs manoeuvres se
fassent en présence de Sa Majesté avec grand ordre et grand silence afin
que le roi puisse remarquer tous les commandements et toute la discipline.
» Le roi irait aussi à Saint-Nazaire inspecter la fontaine que l'on faisait.
« Visitez, écrivait-il à Terron, ( &) la fontaine de Saint-Nazaire et,
si vous pouvez dans le temps qui vous reste y faire conduire les eaux
dont vous m'avez parlé, ne manquez pas de le faire, afin que le roi puisse
y voir une grande abondance d'eau dans cette fontaine. »
Il s'occupa aussi de son logement à Tonnay-Charente, voire à Rochefort
même, ainsi que des trajets. « Je dois vous dire que Sa Majesté ira par
Saint-Jean-d'Angély ; que toute la cour sera logée à Tonnay-Charente,
que le roi ira tous les jours à Rochefort, et même pourra y coucher seul
ou avec ses officiers. En retournant, Sa Majesté ira descendre au port
de la Roche, et de là, par terre à La Rochelle. Faites travailler promptement
à accommoder tous ces chemins. » Il imagina encore une grande parade dans
la Charente, face à l'arsenal, les vaisseaux rangés ainsi : Le Soleil-Royal
au milieu, les autres par ordre de taille devant l'entourer pour laisser
les plus petits aux extrémités. Bref, tout était scrupuleusement préparé
par ce ministre pointilleux qui demandait à son cousin d'examiner « tous
les jours tout ce qui se peut faire qui puisse donner plus de satisfaction
à Sa Majesté. »
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